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LE CERVIN

du champ de tir et que nous pûmes ensuite progresser en toute sûreté. A une courte distance se trouvait la fameuse «Épaule», Dispersées çà et là sur ce ressaut, se trouvaient deux caravanes, faisant toutes deux l’ascension par la route habituelle. Les rejoindre n’était pas facile. Un rocher nu, sans prises, d’une extrême inclinaison, barrait la route. Burgener fait un effort pour s’y hisser, mais un des guides qui se trouvent sur l’Épaule descend vers nous, et, après avoir inspecté la falaise, crie que c’est « ganz unmoglich » « entièrement impossible ». Confiant dans cette appréciation, notre guide-chef revient et nous essayons de traverser quelques dix mètres plus bas. Cette direction devient bientôt absolument impraticable, et les guides qui sont sur l’arête nous disent gentiment que nous n’avons plus qu’une chose à faire, de retourner par où nous sommes venus. L’avis est bon sans doute, mais il nous met en rage et nous revenons une fois encore à la première ligne d’attaque de Burgener. Après de considérables difficultés, nous réussissons à forcer notre route à travers le rocher lisse, réfutant victorieusement les avis timorés du premier guide. Nous voici enfin sur l’Épaule, juste au point où l’arête aboutit au pic terminal.

Les autres caravanes ayant vu que notre succès est désormais assuré, reprennent, leur ascension, en sorte que nous sommes obligés de nous mettre à l’abri sous un gros rocher, avec un regret bien senti que le fameux champagne ne soit plus à boire et que nous n’ayons plus toutes les choses exquises déjà dévorées. Nous escaladons enfin le sommet, nous revenons à l’Épaule et… nous aurions dû être rentrés à Zermatt à 5 h. soir, si je n’avais pas malheureusement fait quelque remarque au sujet des Esprits et des Ames des Trépassés. Cette bonne (ou mauvaise) troupe avait été oubliée dans l’excitation de