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L’ARÊTE DE FURGGEN

influence de ces provisions variées notre état d’esprit atteignit son plus haut diapason et la physionomie de Burgener reprit son air de confiance habituel ; une fois encore, à une chute de pierres, il se prit la barbe dans un mouvement de méfiance en appelant « der Teufel » le Diable à témoin que nous nous étions déjà trouvés dans de tout aussi mauvais parages. En songeant maintenant à ce déjeuner, je n’ai pas le moindre doute que Burgener n’ait parfaitement compris qu’une caravane gaie et confiante en elle-même pourrait alors éviter les chutes de pierres, se glisser le long de ces dalles rapides, en un style et à une allure, dont seraient incapables des hommes anxieux et sans énergie. Son but fut pleinement atteint ; dès que nous eûmes assuré nos chapeaux avec nos divers mouchoirs, que nous eûmes jeté un coup d’œil aux lacets de nos brodequins, nous nous sentîmes en pleine confiance les uns dans les autres, et nous eûmes l’agréable sensation que glaçons et pierres exhiberaient pour nous leur talent habituel à manquer le fidèle grimpeur.

Nous voici bientôt à sauter le long des dalles comme une harde de chamois effrayés. À un ou deux endroits, quand toute la caravane se trouve ensemble, sans sécurité, sur des marches extrêmement mauvaises, nous sommes forcés de modérer un peu notre allure ; même alors notre chef ne nous permet aucune hésitation, et, que cela nous plaise ou non, son « Schnell nur schnell » « Vite, allons vite » nous entraîne sans répit. Un léger coup sur la tête frappé par un éclat de glace, ou bien encore la chute d’une grosse pierre jouant à cache-cache au milieu de la caravane portaient à leur maximum les admonitions de Burgener.

Il est inutile de dire que quelques minutes seulement de ce genre d’exercice suffirent à nous amener en dehors