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LE COL DU LION

per sont d’accord à préférer la glace à la neige sans consistance, mais lorsque la pente de glace se mesure par centaines de mètres et lorsqu’elle domine le couloir du Lion, balayé par les avalanches d’après-midi, je confesse franchement que toute neige, même mauvaise, est une joie, et que son aide, même perfide, est accueillie avec la plus grande satisfaction.

Nous voici gagnant un ruban après l’autre, entaillant en travers les bandes de glace, et nous montons ainsi rapidement jusqu’à ce que nous ayons atteint une pente continue de neige, qui nous conduit au pied d’un petit mur rocheux surmonté d’une corniche de névé surplombante, coupée net et dont les parties les plus minces s’étaient détachées. La face de cette muraille finale se composait de pierrailles et de rochers désagrégés, paraissant ne tenir ensemble que grâce à la neige et au verglas. Pourtant, il faut l’escalader ; nous soufflons un peu de chaleur et de vie dans nos doigts glacés et Burgener se met au travail. Centimètre par centimètre, mètre par mètre je lui donne de la corde jusqu’à ce qu’il ait atteint le base de la corniche. Il devient bientôt évident qu’un assaut direct serait sans succès, aussi se dirige-t-il sur la droite, à un endroit où les franges et les glaçons ont apporté avec eux dans leur chute un ponceau de corniche plus solide. Une fois dans cette brèche, il peut bientôt poser une main sur la glace vive du col ; de l’autre main il agite son chapeau et, bien qu’un peu haletant, il envoie un triomphant jodel, en se portant sur le tranchant de la plus farouche muraille que j’aie jamais eu le bonheur d’escalader. Eu égard à la marche en travers que Burgener a faite la corde ne m’apporte pas cette sensation de sécurité et de réconfort si agréable à l’alpiniste amateur, et ce n’est pas sans une grande joie