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LE COL DU LION

que, en atteignant la brèche de la corniche, je vois se tendre vers moi une main rouge, qui, un moment après, me hisse entièrement sur le col.

Je jette enfin le sac et nous procédons au dégel de nos mains, ou du moins ce qu’il en reste ; comme un ou deux de nos pauvres doigts ont été complètement glacés par les derniers rochers, le retour du sang est excessivement douloureux. Nous devons, avec tous les mouchoirs que nous pouvons rassembler, bander le poignet de Burgener encore souffrant du travail fait dans la traversée de la fameuse rainure. Ces opérations variées étaient entrecoupées et retardées l’une et l’autre, par des jodels de défi que Burgener se croyait obligé d’envoyer de temps en temps au maudit couloir. Nous nous installâmes enfin confortablement, sur l’arête même de la grande falaise, dégustant notre vin, et nous réconfortant aux rayons d’un chaud soleil sortant à travers les déchirures d’un brouillard qui s’élevait tourmenté par le vent. De temps à autre Burgener me donnait une bonne tape dans le dos, et me disait de me pencher pour examiner tel ou tel des surprenants obstacles que nous avions eus à surmonter. Après une heure de halte nous tournâmes notre attention vers le Breuil. Le couloir de ce côté était garni d’une impénétrable brume, mais il ne paraissait pas très formidable dans les quelques mètres que nous pouvions voir. Burgener proposa une glissade debout ; une minute après nous avions quitté le soleil et le ciel bleu, et nous filions à travers le brouillard, entourés par les remous d’une avalanche naissante. Parfois nous nous jetions de côté, en dehors du torrent toujours croissant, car nous craignions que sa masse accumulée ne nous mit en danger. Tout à coup, à travers le rouillard, je découvre la rimaye ; je jette un cri d’avertissement à Burgener qui se trouve à