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SUR HENRY MURGER.

ment. Le titre même de la plupart de ses pièces est lugubre : Lettre à un mort : la Ballade du désespéré ; Ultima spes mortuorum ; le Requiem d’amour ; la Tournée du diable : le Collier de larmes, etc., etc. On a comparé sa manière à celle d’Alfred de Musset : il n’en a point la forme exquise, la spontanéité, le souffle ; mais peut-être a-t-il plus de sensibilité et d’humour que l’auteur du Spectacle dans un fauteuil. En y regardant de près, on lui trouve un air de famille avec Henri Heine…

Maintenant, je sais les respects et les ménagements que l’on doit à une tombe fermée à peine ; mais ne sort-il point de cette tombe un enseignement pour nous tous, les plus humbles comme les plus illustres, qui vivons de cet écrasant labeur quotidien, dont on ne peut se faire une idée quand on n’y est pas condamné ? Pourquoi faut-il que des hommes d’une grande intelligence et d’un esprit charmant prodiguent ainsi leur vie et la rejettent comme un lourd fardeau ? N’ont-ils pas une mère ou s’ils l’ont perdue, sa chère et sainte image ne veille-t-elle donc pas sur eux à l’heure du danger ? Pourquoi chercher l’oubli, le repos ou des émotions fiévreuses et passagères dans tout ce qui épuise et qui tue, comme si le travail usait trop lentement, comme si la pensée ne tuait pas assez tôt ! Pourquoi tant de faiblesse ou tant d’insouciance ? Passe encore à vingt ans. On peut tout pardonner à la jeunesse…

Un dernier mot, si on veut bien le permettre, en faveur de cette société qu’on dit si dure et si ingrate pour tout ce qui tient une plume. J’espère qu’on ne répétera point