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ÉTUDES

même a son charme ; on sent mieux le souffle du cœur à travers les fêlures du roseau brisé. — Là, plus de misères nues ni de sombres réalités ; une brise de printemps souffle dans ces pages, les illusions y chantent, le soleil y brille, la pauvreté marche légèrement sous son bagage d’espoirs et de rêves ; l’amour parle la langue moqueuse et tendre des bohémiens d’Alfred de Musset.

Ce sont encore de frais paysages peints à la plume dans cette forêt de Fontainebleau, qui était comme son lieu d’asile. Ses Chansons rustiques sont de vrais airs de pipeau, faits pour être répétés par les échos des vallées et les violons des ménétriers. L’air des champs fortifie la muse de Murger ; il l’empreint de ces belles couleurs du hâle, qui sont celles de la santé et de la vigueur.

Cependant, en interrogeant les fragments de cette lyre brisée, j’y trouve quelques cordes dont la note plaintive semble tinter un glas ou murmurer un présage.

 

Les funérailles d’Henry Murger ont été, pour sa mémoire, un triste et suprême honneur. La grande famille des lettres et des arts suivait son convoi ; ce n’étaient parmi cette foule que regrets, sympathies, nobles et touchants souvenirs rappelés et murmurés à voix basse. Tous ceux qui l’ont connu regrettaient en lui l’honnête homme, le confrère dévoué, l’ami cordial et fidèle. On se rappelait sa bonté de cœur, sa douceur constante, l’aménité de son caractère et cette gaieté courageuse qui dérobait à l’amitié même le secret de ses afflictions.

Son nom, si cher à la jeunesse, ne périra pas : il ré-