comte de Chanteleine le feu vacillant du phare. Le comte joignit ses mains glacées, comme s’il murmurait une prière.
La chaloupe donnait alors dans la baie de la Forêt, qui s’étend entre les bourgs de Concarneau et du Fouesnant.
La mer était relativement plus calme, et les vagues abritées des vents du large y brisaient moins.
Une heure après, l’embarcation vint se heurter aux rochers du cap de Coz avec une violence extrême. Le choc fut épouvantable, sans qu’il eût été possible de l’éviter, et bien que les mâts fussent à sec de toile. Le comte et Kernan, précipités dans les flots, parvinrent à gagner le rivage, tandis que la chaloupe défoncée sombrait devant leurs yeux.
— Plus de traces, dit Kernan au comte.
— Bien ! fit ce dernier.
— Et maintenant au château, répondit le Breton.
Leur traversée avait duré vingt-six heures.
IV. — le château de chanteleine.
Le château de Chanteleine était situé à trois lieues du bourg du Fouesnant, entre Pont-Labbé et Plougastel, à moins d’une lieue de la côte de Bretagne.
Les biens composant la propriété de Chanteleine appartenaient depuis un temps immémorial à la famille du comte, l’une des plus vieilles de Bretagne. Le château ne datait que du temps de Louis XIII, mais il était empreint de cette rudesse campagnarde que les murailles de granit donnent aux édifices ; on le sentait lourd, imposant, mais indestructible comme les roches de la côte. Cependant, il n’avait ni tours, ni mâchicoulis, ni poterne, ni guérite suspendue à l’angle des murs, comme des nids d’aigle, et il n’éveillait pas l’idée de forteresse ; dans la paisible terre de Bretagne, les seigneurs n’avaient jamais eu à se défendre contre personne, pas même contre leurs vassaux.
Depuis de longues années, la famille du comte exerçait une influence féodale presque sans conteste sur le pays. Les Chanteleine furent peu courtisans, n’étant pas d’humeur souple, et ils n’allèrent pas deux fois, en trois cents ans, faire leur cour au roi ; ils se croyaient Bretons avant