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musée des familles.


agents d’émigrés qui n’ont pas constamment manifesté leur attachement à la révolution. »

Armés de cette loi, les délégués du comité de salut public étaient maîtres du département. Qui pouvait espérer d’échapper à ces mesures révolutionnaires ? Il n’était personne qui ne tombât plus ou moins directement sous le coup de ces terribles articles. Aussi, les représailles allèrent bon train, et le Finistère tout entier fut livré à la plus extrême terreur.

Guermeur et Julien étaient accompagnés d’un sous-agent du comité, d’un infime personnage, qui n’était autre que ce Karval, ce maudit promis à la vengeance de Kernan.

Ce misérable s’était produit à Paris, et fait remarquer dans les clubs ; il s’était glissé dans les rangs des terroristes, et accompagnait les délégués, comme connaissant plus particulièrement le département du Finistère.

Il y venait en réalité exercer ses plus basses vengeances contre le pays qui l’avait chassé. Armé de cette loi des suspects, il ne lui était pas difficile d’atteindre la famille de Chanteleine.

Aussi, le lendemain de son arrivée à Quimper, il se mit en devoir d’agir.

Ce Karval était un homme de taille moyenne, porteur de l’une de ces mauvaises figures que la haine, la bassesse et la méchanceté ont faites peu à peu ; chaque vice nouveau s’y imprégnait et y laissait ses stigmates ; il ne manquait pas d’intelligence, mais, à le voir, on sentait que ce devait être un lâche. Comme beaucoup de ces héros de la révolution, il fut sanguinaire par peur, mais, par peur aussi il restait inflexible, et rien ne pouvait le toucher.

Une rue de Quimper, le 6 nivôse an II. Dessin de V. Foulquier.

Le lendemain de son arrivée, le 14 septembre, il alla trouver Guermeur :

— Citoyen, dit-il, il me faut cent hommes de la milice.

— Qu’en veux-tu faire ? demanda Guermeur.

— J’ai une tournée à opérer dans mon pays.

— Où cela ?

— Du côté de Chanteleine, entre Plougastel et Pont-l’Abbé. Je connais là un nid de Vendéens !

— Es-tu certain de ce que tu avances ?

— Certain. Demain, je t’amène le père et la mère.

— Ne laisse pas échapper les petits ! répliqua en riant le farouche proconsul.

— Sois tranquille ! ça me connaît. J’ai déniché des merles autrefois, et je veux leur apprendre à siffler le Ça ira !

— Va donc ! dit Guermeur en signant l’ordre que Karval demandait.

— Salut et fraternité ! dit Karval en se retirant.

Le lendemain, il se mit en marche avec son détachement, composé des forcenés de la ville ; le jour même il arrivait à Chanteleine.

Les paysans, à la vue de Karval qu’ils connaissaient bien, livrèrent un combat désespéré ; ils comprirent qu’il fallait vaincre ou mourir, mais ils furent vaincus, après avoir voulu défendre leur bonne dame.

La comtesse de Chanteleine, entre sa fille, l’abbé de Fermont et ses serviteurs, attendait dans les transes les plus vives l’issue de la bataille.