Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/150

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Je ne puis plus porter qu’un titre illégitime,
Et quelque amour pour moi que le roi puisse avoir,
Je ne puis ressaisir qu’un fragile pouvoir,
Flétri par le dégoût, brisé par un caprice ?…
Que plutôt dans mon sein mon cœur s’anéantisse !
Est-ce donc pour si peu que j’ai, depuis deux ans,
De l’enfer, dans ce cœur, porté tous les tourments ?
Cette triste grandeur, si longtemps attendue,
Est-ce donc pour si peu que j’en suis descendue,
Tombant du rang suprême au degré le plus bas,
Sans pousser un soupir, sans reculer d’un pas ;
Caressant tour à tour et servant ma rivale ;
Posant sur son chevet la robe nuptiale,
Moi-même sur son sein prenant soin d’attacher
La pourpre qu’à mes flancs je venais d’arracher ;
Sur les marches du trône, esclave abandonnée,
Venant laver la place où je fus couronnée ;
Aux douleurs de Galsuinde assistant sans pâlir ;
Dans ses yeux, dans ses pleurs, calculant l’avenir,
Et, parmi tant de maux, n’ayant pour toute joie
Que l’espoir de saisir et d’abattre ma proie ?
Non, non, il me faut plus qu’un misérable amour.
La passion que j’ai s’assouvit au grand jour,
Et je ne ressens point une oisive faiblesse,
À m’aller contenter d’un titre de maîtresse !
Qu’une femme de cour ait cette lâcheté,
Je suis fille du peuple, et j’ai plus de fierté.
Non, Galsuinde, en quittant cette chambre fatale,