Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/21

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séparément, fruits défendus au collège, mais non à la maison paternelle. D’ailleurs, ils ne se contentaient pas de lire et de connaître, ils voulaient aussi juger et discutaient ensemble comme de petits casuistes. Grâce à cette seconde éducation buissonnière, ils se trouvèrent, à dix-sept ans, en état de prendre part à la guerre littéraire commencée par madame de Staël et qui, après quelques années de trêve, se réveillait avec plus de vivacité que jamais. Paul Foucher, beau-frère de M. Victor Hugo, introduisit son camarade dans le cénacle où se réunissait tout l’état-major de l’école romantique. Alfred de Musset fut accueilli par M. Hugo comme s’il eût été de la famille. On le retenait souvent à dîner : il était de ces promenades où l’on allait assister au coucher de Phébus le blond. Cette intimité n’a pas duré moins de quatre ans, et malgré les dissentiments littéraires, le souvenir en resta toujours cher au plus jeune des deux poètes ; il a pu manquer à la discipline, que son génie indépendant ne lui permettait plus de subir, mais jamais à l’amitié.

Comme son père ne le pressait pas de choisir une carrière, Alfred de Musset profita de la liberté qu’on lui laissait pour essayer de plusieurs études à la fois. Il suivit un cours de droit et un cours d’anatomie, prit des leçons de dessin et de peinture dans un atelier, étudia la musique, le piano, la langue anglaise, et se fortifia l’esprit par de bonnes lectures. Au bout d’un an, lorsque son père l’interrogea sur ses intentions, il avoua, avec une grande humilité, qu’il n’avait de goût pour aucune profession, et qu’il ne se sentait réellement attiré que par des choses qui ne pouvaient le mener à rien, c’est-à-dire par les arts et la