Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/231

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dans tous les romans et tous les vaudevilles, un moyen connu, un moyen classique ! Prendre un ton d’aimable froideur ou d’outrageante coquetterie, se rendre visible ou inabordable selon le temps qu’il fait ou l’esprit du moment ; inviter un pauvre diable une soirée, et le laisser deux heures sur sa chaise sans daigner jeter les yeux sur lui ni lui adresser une parole ; prendre le bras d’un beau valseur bien fat, et sourire mystérieusement en regardant la victime par-dessus l’épaule ; puis, changer d’idée tout à coup, lui faire signe, l’appeler près de soi, et, lorsque sa passion, trop longtemps contenue, murmure de doux reproches ou de tendres prières, répéter tout haut, d’un air bien naïf, devant une douzaine d’indifférents, tout ce que le personnage vient de dire… et s’en aller surtout, s’en aller à propos, disparaître comme Galathée !… Je ne finirais pas si je voulais détailler. L’arme la plus acérée, c’est la coquetterie ; la plus meurtrière, c’est le dédain. Et vous ne voulez pas tenter une expérience si naturelle ? Mais vous n’avez donc rien vu, rien lu ?… vous manquez de littérature, madame.

La comtesse.

Il me semblait que tout, à l’heure vous détestiez les ruses féminines.

Prévannes.

Un instant ! Il s’agit de tromper un homme pour le rendre heureux ; ce n’est pas là une ruse ordinaire, et je vous ai dit qu’à l’occasion…