Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/25

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endroits ; et où donc aurait-il pu aller, qu’aurait-il pu voir et connaître, sorti des bancs du collège depuis deux ans, la tête encore pleine des leçons de ses maîtres, anciens et nouveaux, la bourse peu garnie, comme tous les enfants de son âge, logé dans le même appartement que sa mère, et contenu par la tendresse et l’autorité de ses parents ? Non, il ne savait rien encore de la vie, ou du moins fort peu de chose. Ces passions andalouses n’étaient que des rêves d’adolescent, ces airs cavaliers et railleurs n’étaient qu’une contenance, et cette rouerie une licence poétique ; tout cela n’existait que dans sa tête, et les femmes, plus clairvoyantes que les pédants, sentaient bien que c’étaient là précisément des preuves d’innocence et de naïveté. Quant à la critique, le grand reproche qu’elle adressa à ces poésies qui faisaient tant de bruit, ce fut de manquer d’originalité. S’il était vrai que cette qualité leur eût manqué, il faudrait donc qu’elle leur fût venue, car je ne crois pas que jamais vers aient été plus souvent ni plus servilement copiés ; et aujourd’hui, si l’imitation de Don Paez et de Mardoche n’est plus l’écueil où l’on voit échouer les embarcations des débutants, c’est qu’ils préfèrent, non pas imiter, — ce serait trop peu dire, — mais refaire mot à mot Rolla, ou les stances à la Malibran.

Lorsqu’il avait inséré la Ballade à la Lune parmi ses premières poésies, Alfred de Musset ne s’était guère douté de l’effet que produirait ce morceau ; l’idée ne lui était pas venue qu’un tel badinage eût besoin d’une explication, ni qu’on pût y voir autre chose qu’une parodie. Quelques esprits obtus s’y trompèrent cependant. Le jour de la première représentation du Misanthrope, lorsque le public