Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quels on s’accoutume à voir dans les mots autre chose que les symboles des idées. »

En dehors du Cénacle, l’auteur de Don Paez avait quelques admirateurs qui portaient de lui le même jugement que Charles Nodier : c’était son ami Alfred Tattet, Édouard Bocher, Ulric Guttinguer. Ce dernier l’emmena ; au mois de juillet 1829, en Normandie, et ils visitèrent ensemble le Havre et ses environs.

Les salons d’Achille Devéria et de Charles Nodier étaient des lieux de réunion où se trouvaient les membres du Cénacle. La controverse littéraire n’y régnait pas exclusivement ; on y dansait, et parfois jusqu’au jour, car il y venait un essaim de jeunes filles. À l’une de ces soirées, M. Sainte-Beuve, en voyant l’auteur de Don Paez valser avec une ardeur juvénile, conçut l’idée de lui dédier une pièce de vers intitulée le Bal, qui est une des plus remarquables des poésies de Joseph Delorme.

À la fin de l’année 1829, lorsqu’il eut ajouté aux morceaux connus de ses amis le poème inédit de Mardoche, Alfred de Musset en composa un volume qui fut publié par l’éditeur romantique Urbain Canel[1]. À la lecture de ces poésies si délurées : Don Paez, Portia, les Marrons du feu, les gens sévères froncèrent le sourcil : « Se peut-il, disait-on, qu’un jeune homme de dix-neuf ans soit déjà revenu de tout ? » — Il aurait pu répondre, comme Fantasio, que pour être revenu de tout il faut avoir été dans bien des

  1. Ce n’était pas sa première publication. En 1828, il avait traduit de l’anglais, pour la librairie de M. Mante, un roman en un volume, l’Anglais mangeur d’opium, signé seulement des initiales A. D. M. Ce roman ne valait rien, et la traduction ne pouvait pas le rendre bon.