Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gence, et l’un n’attendait que l’autre. Me voici au Mans ; je cours chez mes belles voisines ; tout s’arrange à merveille. On m’emmène dans un vieux château. — Un maudit catarrhe oublié depuis six mois reprend ma grand’mère. Je reçois une lettre qui m’annonce qu’elle est en danger, et, huit jours après, une seconde lettre vient m’avertir de prendre le deuil. — Voilà donc à quoi tient le plaisir et le bonheur de cette vie ! Je ne puis te dire quelles affreuses réflexions m’a fait faire cette mort arrivée si vite. — Je l’avais laissée, quinze jours auparavant, dans une grande bergère, causant avec esprit et pleine de santé ; et, maintenant, la terre recouvre son corps. Les larmes que sa mort fait répandre à ceux qui l’entouraient seront bientôt sèches ; et voilà pourtant le sort qui m’attend, qui nous attend tous ! Je ne veux point de ces regrets de commande, de cette douleur que l’on quitte avec les habits de deuil. J’aime mieux que mes os soient jetés au vent ; toutes ces larmes feintes ou trop promptement taries ne sont qu’une affreuse dérision.

Mon frère est reparti pour Paris. Je suis resté seul dans ce château, où je ne puis parler à personne qu’à mon oncle, qui, il est vrai, a mille bontés pour moi ; mais les idées d’une tête à cheveux blancs ne sont pas celles d’une tête blonde[1]. C’est un homme excessivement instruit ; quand je lui parle des drames qui me

  1. Le marquis Louis-Alexandre de Musset, membre du corps législatif et de la première Chambre des députés de la Restauration (de