Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/333

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des niaiseries, ou des tours de cartes, ce qui revient au même. Alexis a joué à l’écarté avec moi, les yeux bandés, mais très mal. Il avait fait pourtant des choses assez singulières : ayant deux cardes de coton sur les yeux et un mouchoir bien serré par-dessus, il venait de jouer avec un des graves collègues du conseiller, et non seulement il jouait très lestement, mais il indiquait le jeu de l’adversaire, — comme de lui dire, par exemple : « Pourquoi ne jouez-vous pas la dame de carreau ? » Et il a touché du doigt la carte. Cela n’était pas tout à fait facile ; mais, pour moi, ce n’était pas suffisant. Mademoiselle Julie (autre somnambule) a commencé de même avec moi par être bête comme une oie ; et puis voici le tour qu’elle m’a joué : Achille la magnétisait, Achille en personne, qui n’était pas compère[1]. Je lui ai demandé si elle pourrait lire un mot, non pas écrit, mais dans ma pensée. Elle m’a dit que oui ; je lui ai pris la main. J’avais pensé le nom de Rachel. Elle m’a dit qu’elle voyait les lettres, mais qu’elle ne pouvait pas lire le mot (dans mon cerveau, note bien). — Je lui ai demandé si elle pourrait écrire ces lettres. « Oui. » On lui a donné du papier et un crayon. Elle a écrit C-L-E d’abord ; ensuite, d’un seul coup, A-H. Elle a cherché longtemps, et enfin elle a écrit Charle. C’est précisément l’anagramme de Rachel. Ce sont les mêmes lettres. N’est-ce pas très baroque ?

  1. M. Achille Bouchet.