Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/55

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et le dédain pour de l’impuissance. Les insinuations malveillantes ou les attaques grossières ne pouvaient avoir sur un esprit auss fier que le sien d’autre effet que d’augmenter le dédain et le désir de se taire. De 1845 à 1847, il ne voulut publier que trois ou quatre sonnets, les Conseils à une Parisienne et le profil de Mimi Pinson, afin de montrer que son silence était volontaire et que sa Muse n’avait perdu ni la verve, ni même la gaieté.

Un événement imprévu changea quelque peu ces fâcheuses dispositions d’esprit. M. Buloz, qui était alors administrateur de la Comédie-Française, ayant appris que madame Allan-Despréaux jouait le Caprice à Saint-Pétersbourg, voulut faire représenter cette pièce[1]. On hésitait encore sur la distribution des rôles, lorsque les négociations entamées pour le retour de madame Allan aboutirent à une heureuse conclusion. Cette grande actrice choisit précisément pour le jour de sa rentrée le rôle de madame de Léry. Il fallut bien la laisser faire. Le succès du Caprice obligea l’auteur à ouvrir les yeux et à reconnaître qu’il n’existait aucun abîme entre ses comédies et le théâtre. Cette soirée le réconcilia avec le parterre en

  1. Quelqu’un y avait déjà pensé deux ans auparavant. En octobre 1848, M. Bocage, directeur de l’Odéon, demanda l’autorisation de mettre en scène le Caprice sur son théâtre. On donna le rôle de Mathilde à une jeune et jolie débutante, mademoiselle Naptal, qui joua depuis les héroïnes de plusieurs mélodrames. Bocage en personne prit le rôle de Chavigny. Quant à celui de madame de Lery, je n’ai jamais su à quelle actrice le directeur l’avait confié. Plusieurs répétitions avaient eu lieu, lorsque l’auteur arriva enfin. Soit que le souvenir orageux de la Nuit vénitienne l’ait effrayé, soit que l’exécution lui ait paru insuffisante, il détourna Bocage de cette entreprise, et la pièce fut abandonnée.