Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/166

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Hermia.

Quand vous aviez dix ou douze ans, toutes vos peines, tous vos petits chagrins se rattachaient à moi ; d’un regard sévère ou indulgent de ces yeux que voilà dépendait la tristesse ou la joie des vôtres, et votre petite tête blonde tenait par un fil bien délié au cœur de votre mère. Maintenant, mon enfant, je ne suis plus qu’une vieille sœur, incapable peut-être de soulager vos ennuis, mais non pas de les partager.

Cœlio.

Et vous aussi, vous avez été belle ! Sous ces cheveux argentés qui ombragent votre noble front, sous ce long manteau qui vous couvre, l’œil reconnaît encore le port majestueux d’une reine[, et les formes gracieuses d’une Diane chasseresse.] Ô ma mère ! vous avez inspiré l’amour ! Sous vos fenêtres entr’ouvertes a murmuré le son de la guitare ; sur ces places bruyantes, dans le tourbillon de ces fêtes, vous avez promené une insouciante et superbe jeunesse ; vous n’avez point aimé ; un parent de mon père est mort d’amour pour vous.

Hermia.

Quel souvenir me rappelles-tu ?

Cœlio.

Ah ! si votre cœur peut en supporter la tristesse, si ce n’est pas vous demander des larmes, racontez-moi cette aventure, ma mère, faites-m’en connaître les détails.

Hermia.

Votre père ne m’avait jamais vue alors. Il se chargea,