Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/195

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Marianne.

Que voulez-vous me dire ?

Octave.

Si jamais homme au monde a été digne de vous comprendre, digne de vivre et de mourir pour vous, cet homme est Cœlio. Je n’ai jamais valu grand’chose, et je me rends cette justice, que la passion dont je fais l’éloge trouve un misérable interprète. [Ah ! si vous saviez sur quel autel sacré vous êtes adorée comme un Dieu !] Vous, si belle, si jeune, si pure encore[, livrée à un vieillard qui n’a plus de sens, et qui n’a jamais eu de cœur] ! Si vous saviez quel trésor de bonheur, quelle mine féconde repose en vous ! en lui ! dans cette fraîche aurore de jeunesse, dans cette rosée céleste de la vie, dans ce premier accord de deux âmes jumelles ! Je ne vous parle pas de sa souffrance, de cette douce et triste mélancolie qui ne s’est jamais lassée de vos rigueurs, et qui en mourrait sans se plaindre. Oui, Marianne, il en mourra. Que puis-je vous dire ? qu’inventerais-je pour donner à mes paroles la force qui leur manque ? Je ne sais pas le langage de l’amour. Regardez dans votre âme ; c’est elle qui peut vous parler de la sienne. Y a t-il un pouvoir capable de vous toucher ? Vous qui savez supplier Dieu, existe-t-il une prière qui puisse rendre ce dont mon cœur est plein ?

Marianne.

Relevez-vous, Octave. En vérité, si quelqu’un entrait