Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/441

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Barberine

Ce sont mes armes.

Rosemberg

Est-ce possible ? quoi ! vous cultivez ce vieux métier de nos grand’mères ? vous plongez vos belles mains dans cette filasse ?

Barberine

Je tâche qu’elles se reposent le moins possible. Est-ce que votre tante ne file pas ?

Rosemberg

Mais ma tante est vieille, madame ; il n’y a que les vieilles femmes qui filent.

Barberine

Vraiment ! en êtes-vous bien sûr ? Je ne crois pas qu’il en doive être ainsi. Ne connaissez-vous pas cette ancienne maxime, que le travail est une prière ? Il y a longtemps qu’on a dit cela. Eh bien ! si ces deux choses se ressemblent, et elles peuvent se ressembler devant Dieu, n’est-il pas juste que la tâche la plus dure soit le partage des plus jeunes ? N’est-ce pas quand nos mains sont vives, alertes et pleines d’activité qu’elles doivent tourner le fuseau ? Et lorsque l’âge et la fatigue les forcent un jour de s’arrêter, n’est-ce pas alors qu’il est temps de les joindre, en laissant faire le reste à la suprême bonté ? Croyez-moi, seigneur Rosemberg, ne dites pas de mal de nos quenouilles ; non pas même de nos aiguilles ; je vous le répète, ce sont nos armes. Il est vrai que vous autres hommes, vous en portez de