Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/459

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m’écraser ! Quelle cruauté raffinée ! voyez donc cette Barberine ! elle était en déshabillé, elle va se mettre au lit, à peine vêtue, en cornette, et plus jolie cent fois… Ah ! la nuit vient ; dans une heure d’ici il ne fera plus clair.

Il s’assoit.

Ainsi, c’est décidé, il n’en faut pas douter. Non seulement je suis en prison, mais on veut m’avilir par le dernier des métiers. Si je ne file, ma mort est certaine. Ah ! la faim me talonne cruellement. Voilà six heures que je n’ai mangé ; pas une miette de pain depuis ce matin à déjeuner ! Misérable Uladislas ! puisses-tu mourir de faim pour tes conseils ! Où diantre suis-je venu me fourrer ? Que me suis-je mis dans la tête ? J’avais bien affaire de ce comte Ulric et de sa bégueule de comtesse ! Le beau voyage que je fais ! J’avais de l’argent, des chevaux, tout était pour le mieux ; je me serais diverti à la cour. Peste soit de l’entreprise ! J’aurai perdu mon patrimoine, et j’aurai appris à filer !… Le jour baisse de plus en plus, et la faim augmente en proportion. Est-ce que je serais réduit à filer ? Non, mille fois non ! J’aimerais mieux mourir de faim comme un gentilhomme. Diable !… vraiment, si je ne file pas, il ne sera plus temps tout à l’heure.

Il se lève.

Comment est-ce donc fait, cette quenouille ? Quelle machine diabolique est-ce là ? Je n’y comprends rien. Comment s’y prend-on ? Je vais tout briser. Que cela