Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/112

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Le duc.

Songes-y.Mais vraiment…Je comprends ton souci.
Je voudrais de grand cœur te voir ailleurs qu’ici,
Et, dans quelque retraite aux bavards inconnue,
Tu me rendrais bien mieux ma liberté perdue.
Ce n’est assurément mon goût ni ma façon
De donner au plaisir cet air de trahison.
Mais, dans ce triste hôtel toujours emprisonnée,
Tu n’en saurais sortir sans être soupçonnée.
Chez moi, seuls, en secret, nous trompons tous les yeux.
À quatre pas d’ici nous serions odieux.
Telle est la loi du monde ; il en faut être esclave.
Facile à qui s’en rit, sévère à qui le brave,
Débonnaire et terrible, il ne compte pour rien
Qu’on se moque de lui, si l’on s’en moque bien.
Tout s’excuse ici-bas, hormis la maladresse.
Bonsoir, Louison.



Scène III


LISETTE, seule.

Bonsoir, Louison.Bonsoir ! Quelle étrange faiblesse !
Il me trompe, il me raille, il ment comme un païen ;
Comment arrive-t-il que je ne dise rien ?
Nous serons seuls, dit-il. Que c’est d’une belle âme
D’aller chez le voisin pour y laisser sa femme,
Et revenir gaîment sur la pointe du pié,