Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/155

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Combien je dois sembler peu de chose pour lui !
Combien de qualités ne me sont point données
Que peut-être à ma place une autre eût devinées,
Et combien il est vrai que, sur un tel chemin,
Il faudra tôt ou tard qu’il me quitte la main !

La maréchale.

Je vous l’ai déjà dit, c’est une crainte folle[1].

La duchesse.

Oui, j’ai tort de pleurer, c’est ce qui me désole.
L’autre jour, par exemple, à ce bal chez le roi,
Madame de Versel a passé près de moi.
Vous savez ses grands airs, et combien elle est belle.
Un flot d’admirateurs murmurait autour d’elle,
S’écartant toutefois, de peur de la toucher,
Sitôt que par hasard elle daignait marcher.

La maréchale.

Oui, c’est une superbe et sotte créature.

La duchesse.

Un nœud qu’elle portait tomba de sa coiffure.
Ces messieurs l’ayant vu, je vous laisse à penser
Si chacun s’élança, prêt à le ramasser.
Le duc fut le plus prompt ; mais au lieu de le rendre,
Il défia tout haut qu’on s’en vînt le lui prendre.
Sur quoi cette marquise, au lieu de s’étonner,
Le prit en souriant, mais pour le lui donner.
Je sais bien là-dessus ce que vous m’allez dire,

  1. Ces vers et les dix-neuf suivants se suppriment au théâtre.
    (Note de l’auteur.)