Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/214

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La comtesse.

Mais, bon Dieu ! quelle mouche vous pique ?

Le marquis.

Croyez-vous donc que je puisse rester au monde loin de vous, loin de tout ce qui m’est cher ? La vie me serait insupportable. Riez-en, madame, tant qu’il vous plaira. Je sais bien que vous me direz qu’un voyage à la hâte est toujours fâcheux ; que, si j’ai mes projets, vous avez les vôtres ; que sais-je ? — Vous trouverez cent raisons, cent obstacles,… mais en est-il un seul, en voit-on quand on aime ? Est-ce votre procès qui vous retient ? mais je vous ai dit qu’il était gagné. Je suis allé vingt fois chez votre avoué. Il demeure un peu loin, mais qu’importe ? Ce n’est pas là ce qui vous occupe ; — non, madame, vous ne m’aimez pas.

La comtesse.

Je vous demande bien pardon ; mais quel galimatias me faites-vous là ?

Le marquis.

Je ne dis que l’exacte vérité ; mais, puisque vous ne voulez pas l’entendre, je me retire. Adieu, madame.

La comtesse.

Savez-vous une chose, marquis ? c’est que les distractions ne plaisent qu’à la condition d’être plaisantes. Quand vous prenez le chapeau du voisin, ou quand vous appelez le curé « mademoiselle », personne ne songe à s’en fâcher ; mais il ne faut pas que cela vous encourage jusqu’à perdre tout à fait le sens, et à parler, pour