Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/223

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Le marquis.

Consentez donc, madame, et ce portrait que vous venez de faire, ce portrait ne sera plus le mien. Oui, s’il est ressemblant aujourd’hui, c’est grâce à vous, je le proteste. C’est le doute, la crainte, l’espérance, l’inquiétude où j’étais sans cesse, qui m’empêchaient de voir et d’entendre, de comprendre ce qui n’était pas vous. Ne me faites pas l’injure de croire que j’aurais perdu la raison si je vous avais moins aimée ; je l’avais laissée dans vos yeux ; il ne vous faut qu’un mot pour me la rendre.

La comtesse.

Ce que vous dites là me donne une idée plaisante, c’est qu’il pourrait se faire que, sans nous en douter, nous nous fussions volé notre raison l’un à l’autre. Vous êtes distrait, dites-vous, pour l’amour de moi ; peut-être suis-je étourdie par amitié pour vous. Dites donc, marquis, si nous essayions de réparer mutuellement le dommage que nous nous sommes fait ? Puisque j’ai pris votre bon sens et vous le mien, si nous nous conduisions tous deux d’après nos conseils réciproques ? Ce serait peut-être un moyen excellent de parvenir à une grande sagesse.

Le marquis.

Je ne demande pas mieux que de vous obéir

La comtesse.

Il ne s’agit pas de cela, mais d’un simple échange. Par exemple, je suis paresseuse, vous me l’avez dit…