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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/327

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Perillo.

Vos paroles me font frémir. Quoi ! sa vie est-elle en danger ?

Maître Bernard.

Veux-tu me faire mourir moi-même, à te répéter cent fois que je l’ignore ? Elle est malade, Perillo, bien malade.

Perillo.

Se pourrait-il qu’un homme aussi habile, aussi expérimenté que vous ?…

Maître Bernard.

Oui, expérimenté, habile ! Voilà justement ce qu’ils disent tous. Ne croirait-on pas que j’ai dans ma boutique la panacée universelle, et que la mort n’ose pas entrer dans la maison d’un médecin ? [Je ne m’en suis pas fié à moi seul, j’ai appelé à mon aide tout ce que je connais, tout ce que j’ai pu trouver au monde de docteurs, d’érudits, d’empiriques même, et nous avons dix fois consulté. Habileté de rêveurs, expérience de routine ! La nature, Perillo, qui mine et détruit, quand elle veut se cacher, est impénétrable. Qu’on nous montre une plaie, une blessure ouverte, une fièvre ardente, nous voilà savants. Nous avons vu cent fois pareille chose, et l’habitude indique le remède ; mais quand la cause du mal ne se découvre point, lorsque la main, les yeux, les battements du cœur, l’enveloppe humaine tout entière est vainement interrogée ; lorsqu’une jeune fille de dix-huit ans, belle comme un soleil et fraîche