Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/334

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poussière. Il se hâtait de toutes ses forces ; mais il n’avançait qu’à grand’peine, et je voyais très clairement qu’il désirait venir à moi. De mon côté, je l’attendais ; il me semblait que c’était lui qui devait me conduire à cette fête. Je sentais son désir et je le partageais ; j’ignorais quels obstacles l’arrêtaient ; mais, dans ma pensée, j’unissais mes efforts aux siens ; mon cœur battait avec violence, et pourtant je restais immobile, sans pouvoir faire un pas vers lui. Combien de temps dura cette vision, je n’en sais rien, peut-être une minute ; mais, dans mon rêve, c’étaient des années. Enfin, il approcha et me prit la main ; aussitôt la force irrésistible qui m’attachait à la même place cessa tout à coup, et je pus marcher. Une joie inexprimable s’empara de moi ; j’avais brisé mes liens, j’étais libre. Pendant que nous partions tous deux avec la rapidité d’une flèche, je me retournai vers mon fantôme, et je reconnus Perillo.

Maître Bernard.

Et c’est là ce qui t’a donné cette gaieté inattendue ?

Carmosine.

Sans doute. Jugez de ma surprise lorsqu’en m’éveillant tout à coup, je trouvai que mon rêve était vrai dans ce qu’il avait d’heureux pour moi, c’est-à-dire que je pouvais me lever et marcher sans aucune peine. Ma première pensée a été tout de suite de venir vous sauter au cou ; après cela, j’ai voulu faire de l’esprit, mais j’ai échoué dans mon entreprise.