Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/89

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Le comte.

Encore mieux. Est-ce bien possible ? Quoi ! à votre âge, vous méprisez l’amour ? Les paroles d’un homme qui vous aime vous font l’effet d’un méchant roman ? Ses regards, ses gestes, ses sentiments vous semblent une comédie ? Vous vous piquez de dire vrai, et vous ne voyez que mensonge dans les autres ? Mais d’où revenez-vous donc, marquise ? Qu’est-ce qui vous a donné ces maximes-là ?

La marquise.

Je reviens de loin, mon voisin.

Le comte.

Oui, de nourrice. Les femmes s’imaginent qu’elles savent toute chose au monde ; elles ne savent rien du tout. Je vous le demande à vous-même, quelle expérience pouvez-vous avoir ? Celle de ce voyageur qui, à l’auberge, avait vu une femme rousse, et qui écrivait sur son journal : « Les femmes sont rousses dans ce pays-ci. »

La marquise.

Je vous avais prié de mettre une bûche au feu.

Le comte, mettant la bûche.

Être prude, cela se conçoit ; dire non, se boucher les oreilles, haïr l’amour, cela se peut ; mais le nier, quelle plaisanterie ! Vous découragez un pauvre diable en lui disant : Je sais ce que vous allez me dire. Mais n’est-il pas en droit de vous répondre : Oui, madame, vous le savez peut-être ; et moi aussi, je sais ce qu’on