Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/88

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fait d’entendre les mêmes phrases, la seule répétition des mêmes mots, des mêmes gestes apprêtés, des mêmes regards tendres, le spectacle seul de ces figures diverses qui peuvent être plus ou moins bien par elles-mêmes, mais qui prennent toutes, dans ces moments funestes, la même physionomie humblement conquérante, cela nous sauve par l’envie de rire, ou du moins par le simple ennui. Si j’avais une fille, et si je voulais la préserver de ces entreprises qu’on appelle dangereuses, je me garderais bien de lui défendre d’écouter les pastorales de ses valseurs. Je lui dirais seulement : N’en écoute pas un seul, écoute-les tous ; ne ferme pas le livre et ne marque pas la page ; laisse-le ouvert, laisse ces messieurs te raconter leurs petites drôleries. Si, par malheur, il y en a un qui te plaît, ne t’en défends pas, attends seulement ; il en viendra un autre tout pareil qui te dégoûtera de tous les deux. Tu as quinze ans, je suppose ; eh bien ! mon enfant, cela ira ainsi jusqu’à trente, et ce sera toujours la même chose. Voilà mon histoire et ma science ; appelez-vous cela être blasée ?

Le comte.

Horriblement, si ce que vous dites est vrai ; et cela semble si peu naturel, que le doute pourrait être permis.

La marquise.

Qu’est-ce que cela me fait que vous me croyiez ou non ?