Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/93

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Le comte, prenant le coussin et le tenant à la main.

Cette Vénus est faite pour être belle, pour être aimée et admirée, cela ne l’ennuie pas du tout. Si le beau corps trouvé à Milo a jamais eu un modèle vivant, assurément cette grande gaillarde a eu plus d’amoureux qu’il ne lui en fallait, et elle s’est laissé aimer comme une autre, comme sa cousine Astarté, comme Aspasie et Manon Lescaut.

La marquise.

Monsieur, voilà de la mythologie.

Le comte, tenant toujours le coussin.

Non, madame ; mais je ne puis dire combien cette indifférence à la mode, cette froideur qui raille et dédaigne, cet air d’expérience qui réduit tout à rien, me font peine à voir à une jeune femme. Vous n’êtes pas la première chez qui je les rencontre ; c’est une maladie qui court les salons. On se détourne, on bâille, comme vous en ce moment, on dit qu’on ne veut pas entendre parler d’amour. Alors, pourquoi mettez-vous de la dentelle ? Qu’est-ce que ce pompon-là fait sur votre tête ?

La marquise.

Et qu’est-ce que ce coussin fait dans votre main ? Je vous l’avais demandé pour mettre sous mes pieds.

Le comte.

Eh bien ! l’y voilà, et moi aussi ; et je vous ferai une déclaration, bon gré, mal gré, vieille comme les