Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE II


L’apprentissage de la débauche ressemble à un vertige ; on y ressent d’abord je ne sais quelle terreur mêlée de volupté, comme sur une tour élevée. Tandis que le libertinage honteux et secret avilit l’homme le plus noble, dans le désordre franc et hardi, dans ce qu’on peut nommer la débauche en plein air, il y a quelque grandeur, même pour le plus dépravé. Celui qui, à la nuit tombée, s’en va, le manteau sur le nez, salir incognito sa vie et secouer clandestinement l’hypocrisie de la journée, ressemble à un Italien qui frappe son ennemi par derrière, n’osant le provoquer en duel. Il y a de l’assassinat dans le coin des bornes et dans l’attente de la nuit, au lieu que dans le coureur des orgies bruyantes, on croirait presque à un guerrier ; c’est quelque chose qui sent le combat, une apparence de lutte superbe. « Tout le monde le fait, et s’en cache ; fais-le, et ne t’en cache pas. » Ainsi parle l’orgueil, et une fois cette cuirasse endossée, voilà le soleil qui y reluit.

On raconte que Damoclès voyait une épée sur sa tête ; c’est ainsi que les libertins semblent avoir au-