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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/190

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sait, elle alluma une bougie ; en revenant s’asseoir, elle vit qu’une larme s’était échappée de mes yeux. — Qu’avez-vous ? dit-elle. Je me détournai.

Je cherchais une excuse et n’en trouvais point ; je craignais de rencontrer ses regards. Je me levai et fus à la croisée. L’air était doux ; la lune se levait derrière l’allée des tilleuls, celle où je l’avais vue pour la première fois. Je tombai dans une rêverie profonde ; j’oubliai sa présence même, et, étendant les bras vers le ciel, un sanglot sortit de mon cœur.

Elle s’était levée, et elle était derrière moi. — Qu’est-ce donc ? demanda-t-elle encore. Je lui répondis que la mort de mon père s’était représentée à ma pensée à la vue de cette vallée solitaire ; je pris congé d’elle, et sortis.

Pourquoi j’étais déterminé à taire mon amour, je ne pouvais m’en rendre compte. Cependant, au lieu de rentrer chez moi, je commençai à errer comme un fou dans le village et dans le bois. Je m’asseyais là où je trouvais un banc, puis je me levais précipitamment. Vers minuit, je m’approchai de la maison de madame Pierson ; elle était à la fenêtre. En la voyant, je me sentis trembler ; je voulus retourner sur mes pas ; j’étais comme fasciné ; je vins lentement et tristement m’asseoir au-dessous d’elle.

Je ne sais si elle me reconnut ; il y avait quelques instants que j’étais là, lorsque je l’entendis, de sa voix douce et fraîche, chanter le refrain d’une romance, et