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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/221

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journée à faire prendre à ses cheveux le tour que je voulais ; comme elle avait ôté de l’alcôve un grand vilain cadre noir qui me semblait sinistre ; comme elle avait renouvelé ses fleurs, et il y en avait de tous côtés ; elle me contait tout ce qu’elle avait fait depuis que nous nous connaissions, ce qu’elle m’avait vu souffrir, ce qu’elle avait souffert elle-même ; comme elle avait voulu mille fois quitter le pays et fuir son amour ; comme elle avait imaginé tant de précautions contre moi ; qu’elle avait pris conseil de sa tante, de Mercanson et du curé ; qu’elle s’était juré à elle-même de mourir plutôt que de céder, et comme tout cela s’était envolé sur un certain mot que je lui avais dit, sur tel regard, sur telle circonstance, et, à chaque confidence, un baiser. Ce que je trouvais de mon goût dans sa chambre, ce qui avait attiré mon attention, parmi les bagatelles dont ses tables étaient couvertes, elle voulait me le donner, que je l’emportasse le soir même et que je le misse sur ma cheminée ; ce qu’elle ferait dorénavant, le matin, le soir, à toute heure, que je le réglasse à mon plaisir, et qu’elle ne se souciait de rien ; que les propos du monde ne la touchaient pas ; que, si elle avait fait semblant d’y croire, c’était pour m’éloigner ; mais qu’elle voulait être heureuse et se boucher les deux oreilles ; qu’elle venait d’avoir trente ans, qu’elle n’avait pas longtemps à être aimée de moi. Et vous, m’aimerez-vous longtemps ? Est-ce un peu vrai, ces belles paroles dont vous m’avez si bien étourdie ? Et là-