Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/237

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temps ; mais elle porta les deux mains sur son cœur, et tomba à terre au pied de son lit.

Je courus à elle épouvanté ; elle n’avait pas perdu connaissance et me pria de n’appeler personne. Elle me dit qu’elle était sujette à de violentes palpitations qui la tourmentaient depuis sa jeunesse et la prenaient ainsi tout à coup, mais que du reste il n’y avait point de danger dans ces attaques ni aucun remède à employer. J’étais à genoux auprès d’elle ; elle m’ouvrit doucement les bras ; je lui saisis la tête et me jetai sur son épaule.

— Ah ! mon ami, dit-elle, je vous plains.

— Écoute-moi, lui dis-je à l’oreille, je suis un misérable fou ; mais je ne puis rien garder sur le cœur. Qu’est-ce que c’est qu’un M. Dalens qui demeure sur la montagne et qui vient te voir quelquefois ?

Elle parut étonnée de m’entendre prononcer ce nom.

— Dalens ? dit-elle, c’est un ami de mon mari.

Elle me regardait comme pour ajouter : — À propos de quoi cette question ? Il me sembla que son visage s’était rembruni. Je me mordis les lèvres. — Si elle veut me tromper, pensai-je, j’ai eu tort de parler.

Brigitte se leva avec peine ; elle prit son éventail et marcha à grands pas dans la chambre. Elle respirait avec violence ; je l’avais blessée. Elle resta quelque temps pensive, et nous échangeâmes deux ou trois regards presque froids et presque ennemis. Elle alla à son secrétaire, qu’elle ouvrit, en tira un paquet de lettres attachées avec de la soie et le jeta devant moi sans dire un mot.