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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/294

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CHAPITRE II


Tous mes efforts pour deviner la cause d’un changement aussi inattendu étaient restés sans résultat comme les questions que j’avais pu faire. Brigitte était malade et gardait opiniâtrement le silence. Après une journée entière passée, tantôt à la supplier de s’expliquer, tantôt à m’épuiser en conjectures, j’étais sorti sans savoir où j’allais. En passant près de l’Opéra, un commissionnaire m’offrit un billet et machinalement j’y entrai, comme c’était mon habitude.

Je ne pouvais faire attention à ce qui se passait ni sur le théâtre ni dans la salle ; j’étais navré d’une telle douleur et en même temps si stupéfait, que je ne vivais, pour ainsi dire, qu’en moi, et que les objets extérieurs ne semblaient plus frapper mes sens. Toutes mes forces concentrées se portaient sur une pensée, et plus je la remuais dans ma tête, moins j’y pouvais voir nettement. Quel obstacle affreux, survenu tout à coup, renversait ainsi, à la veille du départ, tant de projets et d’espérances ? S’il s’agissait d’un événement ordinaire ou même d’un malheur véritable, comme d’un accident de fortune ou de la perte de quelque ami, pourquoi ce