Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/302

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de lui faire des questions, et je craignais qu’il ne soupçonnât ce qui se passait dans mon cœur. Les premiers mots que nous échangeâmes furent polis et insignifiants. Je le remerciai de s’être chargé des commissions de la famille de madame Pierson ; je lui dis qu’en quittant la France nous le prierions à notre tour de nous rendre quelques services ; après quoi, nous demeurâmes en silence, étonnés de nous trouver vis-à-vis l’un de l’autre.

Je regardais autour de moi, comme les gens embarrassés. La chambre qu’occupait ce jeune homme était au quatrième étage, et tout y annonçait une pauvreté honnête et laborieuse. Quelques livres, des instruments de musique, des cadres de bois blanc, des papiers en ordre sur une table couverte d’un tapis, un vieux fauteuil et quelques chaises, c’était tout ; mais tout se ressentait d’un air de propreté et de soin qui en faisait un ensemble agréable. Quant à lui, sa physionomie ouverte et animée prévenait d’abord en sa faveur ; j’aperçus à la cheminée le portrait d’une femme âgée ; je m’en approchai tout en rêvant, et il me dit que c’était sa mère.

Je me souvins alors que Brigitte m’avait souvent parlé de lui, et mille détails que j’avais oubliés me revinrent à la mémoire. Brigitte le connaissait depuis son enfance. Avant que je vinsse au pays, elle le voyait quelquefois à N**** ; mais depuis mon arrivée elle n’y était allée qu’une fois, et il n’y était point à ce moment. Ce n’était donc que par hasard que j’avais appris sur son compte quelques particularités, qui cepen-