qu’elle eût cessé de m’aimer, mais c’était qu’elle m’eût trompé. Je ne comprenais pas par quelle raison une femme qui n’est forcée ni par le devoir, ni par l’intérêt, peut mentir à un homme lorsqu’elle en aime un autre. Je demandais vingt fois par jour à Desgenais comment cela était possible. — Si j’étais son mari, disais-je, ou si je la payais, je concevrais qu’elle me trompât ; mais pourquoi, si elle ne m’aimait plus, ne pas me le dire ? pourquoi me tromper ? Je ne concevais pas qu’on pût mentir en amour ; j’étais un enfant alors, et j’avoue qu’à présent je ne le comprends pas encore. Toutes les fois que je suis devenu amoureux d’une femme, je le lui ai dit, et toutes les fois que j’ai cessé d’aimer une femme, je le lui ai dit de même, avec la même sincérité, ayant toujours pensé que, sur ces sortes de choses, nous ne pouvons rien par notre volonté et qu’il n’y a de crime qu’au mensonge.
Desgenais, à tout ce que je disais, me répondait : C’est une misérable ; promettez-moi de ne plus la voir. Je le lui jurai solennellement. Il me conseilla en outre de ne lui point écrire, même pour lui faire des reproches, et, si elle m’écrivait, de ne pas lui répondre. Je lui promis tout cela, presque étonné qu’il me le demandât, et indigné de ce qu’il pouvait supposer le contraire.
Cependant la première chose que je fis, dès que je pus me lever et sortir de la chambre, fut de courir chez ma maîtresse. Je la trouvai seule, assise sur une chaise