Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui, le premier jour, dira peut-être qu’elle veut me suivre, se détournera dans un mois, pour ne pas voir de loin le saule pleureur qu’on aura planté sur ma tombe ! Comment en serait-il autrement ? Qui regrette-t-on quand on est si belle ? Elle voudrait mourir de chagrin que ce beau sein lui dirait qu’il veut vivre, et qu’un miroir le lui persuaderait ; et le jour où les larmes taries feront place au premier sourire, qui ne la félicitera pas, convalescente de sa douleur ? Lorsque après huit jours de silence elle commencera à souffrir qu’on prononce mon nom devant elle, puis qu’elle en parlera elle-même, en regardant languissamment, comme pour dire : Consolez-moi ; puis peu à peu qu’elle en sera venue, non plus à éviter mon souvenir, mais à n’en plus parler, et qu’elle ouvrira ses fenêtres, par les beaux matins de printemps, quand les oiseaux chantent dans la rosée ; quand elle deviendra rêveuse et qu’elle dira : J’ai aimé,… qui sera là, à côté d’elle ? qui osera lui répondre qu’il faut aimer encore ? Ah ! alors je n’y serai plus ! Tu l’écouteras, infidèle ; tu te pencheras en rougissant, comme une rose qui va s’épanouir, et ta beauté et ta jeunesse te monteront au front. Tout en disant que ton cœur est fermé, tu en laisseras sortir cette fraîche auréole dont chaque rayon appelle un baiser. Qu’elles veulent bien qu’on les aime, celles qui disent qu’elles n’aiment plus ! Et quoi d’étonnant ? Tu es femme ; ce corps, cette gorge d’albâtre, tu sais ce qu’ils valent, on te l’a dit ; quand tu les caches sous