Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Mélanges de littérature et de critique.djvu/391

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reux caractère, ce n’était pas seulement d’être sincère et dévoué dans ses amitiés, c’était surtout d’y être fidèle. Comme il avait la religion du devoir, il avait le culte de la reconnaissance. Dès ses premières années, ayant perdu son père, il avait reçu les leçons et les conseils de M. Desaunets, ancien professeur au collège de Montaigu ; trente ans plus tard, au milieu des succès qui marquaient chacun de ses pas, il dédie à son ancien maître l’un de ses plus importants ouvrages, il lui rappelle les soins, les avis salutaires qui l’ont guidé pendant sa jeunesse ; il lui fait hommage de tout son mérite, et il écrit sur sa première page :

 Même étant fait par moi, cet ouvrage est le tien.

Ce n’est pas là le compliment puéril de l’écolier qu’étourdit sa couronne, ni le souvenir tardif du vieillard qui aime à se pencher du côté de son berceau ; c’est le langage cordial de l’honnête homme qui, sûr désormais de sa route, serre la main qui l’a d’abord conduit.

Emmanuel Dupaty passa à Paris les années qui précédèrent la Révolution, et celle où elle se déclara. Il reçut, comme on peut penser, toutes les impressions de cette époque. Plein d’énergie et de vrai patriotisme, il saluait avec transport les premières lueurs de ce foyer terrible qui, après avoir tant éclairé, allait tant consumer et tant détruire. En ce moment, l’illusion féconde, pour me servir du mot d’André Chénier, et cette con-