Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/116

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— Cachez-moi ici.

D’après ce qui s’était passé, la soubrette croyait que Valentin n’était pas mal vu de sa maîtresse. Pour entrer d’autorité chez une femme, il faut une certaine assurance d’en être bien reçu, et quand, après avoir forcé sa porte, on passe une demi-heure dans sa chambre, les domestiques savent qu’en penser. Cependant la proposition était hardie : se cacher pour surprendre les gens, c’est une idée d’amoureux et non une idée d’amant ; le double louis, quelque beau qu’il fût, ne pouvait lutter avec la crainte d’être chassée. — Mais, après tout, pensa la servante, quand on est aussi amoureux, on est bien près de devenir amant. Qui sait ? au lieu d’être chassée, je serai peut-être remerciée. Elle prit donc le double louis en soupirant, et montra en riant à Valentin un vaste placard où il se jeta.

— Où êtes-vous donc ? demandait la marquise qui venait de descendre dans le jardin.

La servante répondit que Valentin était sorti par le petit salon. Madame de Parnes regarda de côté et d’autre, comme pour s’assurer qu’il était parti ; puis elle entra dans le pavillon, y jeta un coup d’œil, et s’en fut après avoir fermé la porte à clef.

Vous trouverez peut-être, madame, que je vous fais un conte invraisemblable. Je connais des gens d’esprit, dans ce siècle de prose, qui soutiendraient très gravement que de pareilles choses ne sont pas possibles, et que, depuis la Révolution, on ne se cache plus dans un