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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/117

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pavillon. Il n’y a qu’une réponse à faire à ces incrédules : c’est qu’ils ont sans doute oublié le temps où ils étaient amoureux.

Dès que Valentin se trouva seul, il lui vint l’idée très naturelle qu’il allait peut-être passer là une journée. Quand sa curiosité fut satisfaite, et après qu’il eut examiné à loisir le lustre, les rideaux et les consoles, il se trouva avec un grand appétit vis-à-vis d’un sucrier et d’une carafe.

Je vous ai dit que le billet du matin l’avait empêché de déjeuner ; mais il n’avait, en ce moment, aucun motif pour ne pas dîner. Il avala deux ou trois morceaux de sucre, et se souvint d’un vieux paysan à qui on demandait s’il aimait les femmes. — J’aime assez une belle fille, répondit le brave homme, mais j’aime mieux une bonne côtelette. Valentin pensait aux festins dont, au dire de la soubrette, ce pavillon avait été témoin ; et, à la vue d’une belle table ronde qui occupait le milieu de la chambre, il aurait volontiers évoqué le spectre des petits soupers du défunt marquis. — Qu’on serait bien ici, se disait-il, par une soirée ou par une nuit d’été, les fenêtres ouvertes, les persiennes fermées, les bougies allumées, la table servie ! Quel heureux temps que celui où nos ancêtres n’avaient qu’à frapper du pied sur le parquet pour faire sortir de terre un bon repas ! Et en parlant ainsi, Valentin frappait du pied ; mais rien ne lui répondait que l’écho de la voûte et le gémissement d’une harpe détendue.