Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/127

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jardin situé derrière sa maison, lieu retiré, à l’ombrage épais, où nul œil indiscret ne pouvait pénétrer. Une fraîche cascade, par son murmure, y protégeait la causerie ; la solitude y protégeait l’amour. Nul bruit, nul témoin, nul danger. Parler d’un lieu pareil au milieu du monde, au son de la musique, dans le tourbillon d’une fête, à une jeune femme qui vous écoute, qui n’accepte ni ne refuse, mais qui laisse dire et qui sourit…, ah ! madame, parler ainsi d’un lieu pareil, c’est peut-être plus doux que d’y être.

Tandis que Valentin se livrait sans réserve, la veuve écoutait sans réflexion. De temps en temps, aux ardents désirs elle opposait une objection timide ; de temps en temps, elle feignait de ne plus entendre, et si un mot lui avait échappé, en rougissant, elle le faisait répéter. Sa main, pressée par celle du jeune homme, voulait être froide et immobile ; elle était inquiète et brûlante. Le hasard, qui sert les amants, voulut qu’en passant dans la salle à manger ils se retrouvassent seuls, comme la dernière fois. Valentin n’eut pas même la pensée de troubler la rêverie de sa valseuse, et, à la place du désir, madame Delaunay vit l’amour. Que vous dirai-je ? ce respect, cette audace, cette chambre, ce bal, l’occasion, tout se réunissait pour la séduire. Elle ferma les yeux à demi, soupira…, et ne promit rien.

Voilà, madame, par quelle raison madame Delaunay se mit à pleurer quand elle trouva le mouchoir de la marquise.