Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/129

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Delaunay. Elle regarda la marque aussitôt ; sa main délicate avait senti un tissu trop rude pour lui appartenir. Elle se connaissait aussi en broderie ; mais il y en avait si peu que rien, assez pourtant pour dénoter une femme. Elle retourna deux ou trois fois le mouchoir, l’approcha timidement de son nez, le regarda encore, puis le jeta à Valentin en lui disant : — Vous vous êtes trompé ; ce que vous me rendez là appartient à quelque femme de chambre de votre mère.

Valentin, qui avait emporté par mégarde le mouchoir de madame Delaunay, le reconnut et se sentit battre le cœur. — Pourquoi à une femme de chambre ? répondit-il. Mais la marquise s’était remise au piano ; peu lui importait une rivale qui se mouchait dans de la grosse toile. Elle reprit le presto de sa valse, et fit semblant de n’avoir pas entendu.

Cette indifférence piqua Valentin. Il fit un tour de chambre et prit son chapeau.

— Où allez-vous donc ? demanda madame de Parnes.

— Chez ma mère, rendre à sa femme de chambre le mouchoir qu’elle m’a prêté.

— Vous verra-t-on demain ? nous avons un peu de musique, et vous me ferez plaisir de venir dîner.

— Non ; j’ai affaire toute la journée.

Il continuait à se promener, et ne se décidait pas à sortir. La marquise se leva et vint à lui.

— Vous êtes un singulier homme, lui dit-elle ; vous voudriez me voir jalouse.