Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/144

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léger signe de tête en souriant, comme pour dire : Je suis charmée qu’elle vous plaise.

Notre étourdi rentra donc chez lui, moins inquiet, il est vrai, qu’il n’en était sorti, mais croyant presque avoir fait un rêve. Quel mystère ou quel caprice du hasard cachait cet envoi singulier ? — L’une fait un coussin et l’autre me le donne ; celle-là passe un mois à travailler, et, quand son ouvrage est fini, celle-ci s’en trouve propriétaire ; ces deux femmes ne se sont jamais vues, et elles s’entendent pour me jouer un tour dont elles ne semblent pas se douter. Il y avait assurément de quoi se torturer l’esprit : aussi le jeune homme cherchait-il de cent manières différentes la clef de l’énigme qui le tourmentait.

En examinant le coussin, il trouva l’adresse du marchand qui l’avait vendu. Sur un petit morceau de papier collé dans un coin, était écrit : Au Père de Famille, rue Dauphine.

Dès que Valentin eut lu ces mots, il se vit sûr de parvenir à la vérité. Il courut au magasin du Père de Famille ; il demanda si le matin même on n’avait pas vendu à une dame un coussin en tapisserie qu’il désigna et qu’on reconnut. Aux questions qu’il fit ensuite pour savoir qui avait fait ce coussin et d’où il venait, on ne répondit qu’avec restriction : on ne connaissait pas l’ouvrière ; il y avait dans le magasin beaucoup d’objets de ce genre ; enfin on ne voulait rien dire.

Malgré les réticences, Valentin eut bientôt saisi, dans