Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/166

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respondance réglée avec ses parents, et leur annonçait le succès de ses examens au fur et à mesure qu’il les subissait. Après avoir travaillé assidûment pendant trois ans, il vit enfin arriver le moment où il allait être reçu avocat ; il ne lui restait plus qu’à soutenir sa thèse, et il avait déjà fixé l’époque de son retour à Besançon, lorsqu’une circonstance imprévue vint pour quelque temps troubler son repos.

Il demeurait rue de la Harpe, au troisième étage, et il avait sur sa croisée des fleurs dont il prenait soin. En les arrosant, un matin, il aperçut, à une fenêtre en face de lui, une jeune fille qui se mit à rire. Elle le regardait d’un air si gai et si ouvert, qu’il ne put s’empêcher de lui faire un signe de tête. Elle lui rendit son salut de bonne grâce, et, à compter de ce moment, ils prirent l’habitude de se souhaiter ainsi le bonjour tous les matins, d’un côté de la rue à l’autre. Un jour que Frédéric s’était levé de meilleure heure que de coutume, après avoir salué sa voisine, il prit une feuille de papier qu’il plia en forme de lettre, et qu’il montra de loin à la jeune fille, comme pour lui demander s’il pouvait lui écrire ; mais elle secoua la tête en signe de refus, et se retira d’un air fâché.

Le lendemain, le hasard fit qu’ils se rencontrèrent dans la rue. La demoiselle rentrait chez elle, accompagnée d’un jeune homme que Frédéric ne connaissait pas, et qu’il ne se rappela point avoir jamais vu parmi les étudiants. À la tournure et à la toilette de sa