Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/167

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voisine, quoiqu’elle portât un chapeau, il jugea qu’elle devait être ce qu’on appelle à Paris une grisette. Le cavalier, d’après son âge, n’était sans doute qu’un frère ou un amant, et semblait plutôt un amant qu’un frère. Quoi qu’il en fût, Frédéric résolut de ne plus songer à cette aventure. Les premiers froids étant venus, il ôta ses fleurs de la place qu’elles occupaient sur sa croisée ; mais, malgré lui, il regardait toujours dehors de temps en temps ; il rapprocha de la fenêtre le bureau où il travaillait, et arrangea son rideau de façon à pouvoir guetter sans être aperçu.

La voisine, de son côté, ne se montra plus le matin. Elle paraissait quelquefois à cinq heures du soir pour fermer ses persiennes, après avoir allumé sa lampe. Frédéric se hasarda un jour à lui envoyer un baiser. Il fut surpris de voir qu’elle le lui rendit aussi gaiement qu’autrefois son premier salut. Il prit de nouveau son morceau de papier, qui était resté plié sur sa table, et, s’expliquant par signes du mieux qu’il put, il demanda qu’on lui écrivît ou qu’on reçût son billet. Mais la réponse ne fut pas plus favorable que la première fois ; la grisette secoua encore la tête, et il en fut de même pendant huit jours. Les baisers étaient bienvenus, mais, quant aux lettres, il fallait y renoncer.

Au bout d’une semaine, Frédéric, dépité d’essuyer sans cesse le même refus, déchira son papier devant sa voisine. Elle en rit d’abord, resta quelque temps indécise, puis tira de la poche de son tablier un billet