Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/172

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d’un bien faible secours. — Comme je ne puis me charger de toi, ajoutait-il, je ne veux, sous aucun prétexte, devenir la cause d’une rupture ; mais, comme il me serait trop cruel de te partager avec un autre, je partirai bien à regret, et je garderai dans mon cœur le souvenir d’un heureux jour.

À cette déclaration inattendue, Bernerette se mit à pleurer. — Pourquoi partir ? dit-elle. Si je me brouille avec mon amant, ce n’est pas toi qui en seras cause, puisqu’il y a longtemps que j’y suis déterminée. Si j’entre chez une lingère pour faire mon apprentissage, est-ce que tu ne m’aimeras plus ? Il est fâcheux que tu ne sois pas riche ; mais que veux-tu ! nous ferons comme nous pourrons.

Frédéric allait répliquer, mais un baiser lui imposa silence. — N’en parlons plus, et n’y pensons plus, dit enfin Bernerette. Quand tu voudras de moi, fais-moi signe par la fenêtre, et ne t’inquiète pas du reste qui ne te regarde pas.

Pendant six semaines environ, Frédéric ne travailla guère. Sa thèse commencée restait sur sa table ; il y ajoutait une ligne de temps en temps. Il savait que, si l’envie de s’amuser lui venait, il n’avait qu’à ouvrir sa croisée : Bernerette était toujours prête ; et quand il lui demandait comment elle jouissait de tant de liberté, elle lui répondait toujours que cela ne le regardait pas. Il avait dans son tiroir quelques économies, qu’il dépensa rapidement. Au bout de quinze jours, il fut