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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/173

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obligé d’avoir recours à un ami pour donner à souper à sa maîtresse.

Quand cet ami, qui se nommait Gérard, apprit le nouveau genre de vie de Frédéric : Prends garde à toi, lui dit-il, tu es amoureux. Ta grisette n’a rien, et tu n’as pas grand’chose ; je me défierais à ta place d’une comédienne de province ; ces passions-là mènent plus loin qu’on ne pense.

Frédéric répondit en riant qu’il ne s’agissait point d’une passion, mais d’une amourette passagère. Il raconta à Gérard comment il avait fait connaissance, par sa croisée, avec Bernerette. — C’est une fille qui ne pense qu’à rire, dit-il à son ami ; il n’y a rien de moins dangereux qu’elle, et rien de moins sérieux que notre liaison.

Gérard se rendit à ces raisons et engagea cependant Frédéric à travailler. Celui-ci assura que sa thèse allait être bientôt terminée, et, pour n’avoir pas fait un mensonge, il se mit en effet à l’ouvrage pendant quelques heures ; mais le soir même Bernerette l’attendait. Ils allèrent ensemble à la Chaumière, et le travail fut laissé de côté.

La Chaumière est le Tivoli du quartier Latin ; c’est le rendez-vous des étudiants et des grisettes. Il s’en faut que ce soit un lieu de bonne compagnie, mais c’est un lieu de plaisir : on y boit de la bière et on y danse ; une gaieté franche, parfois un peu bruyante, anime l’assemblée. Les élégantes y ont des bonnets ronds, et