Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/176

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Avec un caractère aussi gai que celui de cette jeune fille, dès qu’elle avait le moindre chagrin, il était facile de s’en apercevoir. Frédéric la trouva triste un jour et lui en demanda la raison. Après quelque hésitation, elle tira de sa poche une lettre.

— C’est une lettre anonyme, dit-elle ; le jeune homme qui demeure avec moi l’a reçue hier, et me l’a donnée en me disant qu’il n’ajoutait aucune foi à des accusations non signées. Qui a écrit cela ? je l’ignore. L’orthographe est aussi mauvaise que le style ; mais ce n’en est pas moins dangereux pour moi : on me dénonce comme une fille perdue, et l’on va jusqu’à préciser le jour et l’heure de nos derniers rendez-vous. Il faut que ce soit quelqu’un de la maison, une portière ou une femme de chambre ; je ne sais que faire ni comment me préserver du péril qui me menace.

— Quel péril ? demanda Frédéric.

— Je crois, dit en riant Bernerette, qu’il n’y va pas moins que de ma vie. J’ai affaire à un homme d’un caractère violent, et, s’il savait que je le trompe, il serait très capable de me tuer.

Frédéric relut en vain la lettre, et l’examina de cent façons, il ne put reconnaître l’écriture. Il rentra chez lui fort inquiet, et résolut de ne pas voir Bernerette de quelques jours ; mais il reçut bientôt d’elle un billet.

« Il sait tout, écrivait-elle ; je ne sais qui a parlé ; je crois que c’est la portière. Il ira vous voir ; il veut se