Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/212

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que le revoir. Il fut touché de cette persévérance ; mais il n’en sentit que plus tristement la nécessité d’y résister. Aux premières paroles qu’il prononça pour revenir sur ce sujet, Bernerette lui ferma la bouche.

— Je le sais, dit-elle, embrasse-moi, et va-t’en.

Gérard partait pour la campagne ; il y emmena Frédéric. Les premiers beaux jours, l’exercice du cheval, rendirent à celui-ci un peu de gaieté ; Gérard en avait fait autant que lui ; il avait, disait-il, renvoyé sa maîtresse : il voulait vivre en liberté. Les deux jeunes gens couraient les bois ensemble, et faisaient la cour à une jolie fermière d’un bourg voisin. Mais bientôt arrivèrent des invités de Paris ; la promenade fut quittée pour le jeu ; les dîners devinrent longs et bruyants ; Frédéric ne put supporter cette vie qui l’avait ébloui naguère, et il revint à sa solitude.

Il reçut une lettre de Besançon. Son père lui annonçait que mademoiselle Darcy venait à Paris avec sa famille. Elle arriva en effet dans le courant de la semaine ; Frédéric, bien qu’à contre-cœur, se présenta chez elle. Il la trouva telle qu’il l’avait laissée, fidèle à son amour secret, et prête à se servir de cette fidélité comme d’un moyen de coquetterie. Elle avoua toutefois qu’elle avait regretté quelques paroles un peu trop dures prononcées durant le dernier entretien à Besançon. Elle pria Frédéric de lui pardonner si elle avait paru douter de sa discrétion, et elle ajouta que, ne voulant pas se marier, elle lui offrait de nouveau son amitié, mais à