Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/22

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elle eût du moins pu le consulter, lui demander la vérité ; il devait la savoir, puisqu’il était homme, et elle sentait que la vérité dite par cette bouche ne pouvait pas être à craindre.

Elle prit le parti d’écrire à M. de Marsan, et de se plaindre de sa tante. Sa lettre était faite et cachetée, et elle se disposait à l’envoyer, quand, par une bizarrerie de son caractère, elle la jeta au feu en riant. — Je suis bien sotte de m’inquiéter, se dit-elle avec sa gaieté habituelle ; ne voilà-t-il pas un beau monsieur pour me faire peur avec ses yeux doux ! M. de Sorgues entrait au moment même. Apparemment que, pendant sa route, il avait pris des résolutions extrêmes ; le fait est qu’il ferma brusquement la porte, et, s’approchant d’Emmeline sans lui dire un mot, il la saisit et l’embrassa.

Elle resta muette d’étonnement, et, pour toute réponse, tira sa sonnette. M. de Sorgues, en sa qualité d’homme à bonnes fortunes, comprit aussitôt et se sauva. Il écrivit le soir même une grande lettre à la comtesse, et on ne le revit plus au Moulin de May.